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Tiki s'est envolé vers d'autres cieux

Hier matin, Tiki, mon oiseau est mort. Il était important, et un membre à part entière de la famille. Je l'ai eu plus de 16 ans.

Nous l'avons entendu tomber, je l'ai ramassé au fond de sa cage. Il respirait encore. Mon fils et moi l'avons caressé et il s'est endormi doucement.

Nous étions profondément tristes, mais contents de l'avoir accompagné pendant ses derniers instants...

 

Yesterday morning Tiki, my parakeet, died. He was important, he was part of the family. We had been living together for more than 16 years.

We heard him falling. I took him in my hands, he was still alive. My son and I caressed him tenderly and he fall asleep quietly.

We were deeply sad, but we were glad we could be there for him at the end.

Quand Antoine est arrivé dans notre vie, Tiki était déjà avec nous depuis environ huit ans.

 

Je ne sais pas lequel des deux a été le plus choqué de la présence de l'autre. Les deux étaient capables de crier fort, les deux étaient timides. Ils se jalousaient un peu.

 

Antoine regrettait que Tiki se pose sur moi ou sur l'épaule de son père. Mais quand Tiki atterrissait sur lui, il faisait un bond qui le chassait immédiatement. Ses petites pattes le griffaient, le chatouillaient. Et Tiki aimait se poser sur sa tête et s'y promener, ce qui n'était pas rassurant pour Antoine.

 

 

When Antoine arrived in our lives, Tiki had been there for 8 years at least.

I don't know who was  most shocked by the other. Both were able to make a lot of noise, both were shy. They seemed a little jealous of each other.

 

Antoine would have loved Tiki to sit on his shoulder as he did for us. But when Tiki tried, Antoine was afraid and frightened the bird with his reaction. He found Tiki's little feet difficult to bear. It both tickled and hurt him.

 

Tiki, who liked to be in the highest places, liked best to sit on Antoine's head. He used to walk there, and Antoine didn't find that very reassuring.

Ils se sont apprivoisés peu à peu. Antoine partageait volontiers ses pâtes, son riz, son pain avec Tiki. Tiki sifflait pour lui.

Antoine aimait lui faire des farces, Tiki ne détestait pas lui faire un peu peur avec son bec et son toupet dressé.

 

Little by little they got used to each other. Antoine loved to share his pasta, rice or bread with Tiki. Tiki whistled to him his strange songs.

Antoine loved to prankle him, Tiki loved to scare him with his open beak and the feathers on his head up.

Ces dernières années, Tiki se posait de préférence sur Antoine, lui sifflait des airs, demandait des caresses, leurs moments de tendresse duraient jusqu'à ce qu'Antoine ne supporte plus les chatouilles infligées par Tiki : des petits coups de bec tendre dans le cou, et ses pattes qui couraient sur ses épaules et son dos.

 

These last years, Tiki liked best Antoine. He used to sit on his shoulder, whistled for him lovingly, asked for cuddles that lasted for long, and stopped only when Antoine could no more bear the gentle torture. Tiki pecked him softly and lovingly in the neck, he used to run on his shoulders and back...

Quand les plumes d'une aile se sont raréfiées et que Tiki tombait à chaque fois qu'il essayait de voler, Antoine s'en inquiétait, et le ramassait.

Nous avons acheté de la pâtée fortifiante, des gouttes pour faire pousser les plumes. Mais elles ne repoussaient pas depuis le printemps dernier. Antoine a choisi de nouveaux jeux pour Tiki qui a passé la fin de sa vie à boxer et mâchouiller le plus gros et le plus coloré. Il a partagé nos repas, chanté avec nous, jusqu'à hier...

 

La maison nous semble bien vide sans lui.

 

Then Tiki started to fall down when flying. We saw that he had lost the long feathers of one of his wing. Antoine used to put him back at the top of his cage when he fell.  We bought some medicine for Tiki. But it didn't help. Since last Spring his wing hasn't been alright. Antoine had chosen new toys for Tiki who played with the biggest and most colored one these last months.

Tiki has shared our meals, sung with and for us till yesterday...

 

The house seems very empty now.

Tiki avait été élevé par une petite perruche ondulée qu'il suivait partout, comme si c'était sa mère. Il ne mangeait que ses graines, refusait celles pour les plus grandes. Quand la petite perruche est morte, Tiki a semblé désemparé. Il voulait que nous soyons toujours avec lui et poussait des cris perçants dès qu'il nous entendait entrer à la maison, il fallait venir le saluer vite.

Il n'aimait pas les fruits frais, acceptait un peu de salade, adorait le millet et les bâtons de graines agglomérées. Il ne supportait pas que nous commencions un repas sans lui offrir un peu de pain, de biscotte, de riz ou de pâtes. Ces cris ne cessaient que quand nous lui apportions notre obole.

When I bought Tiki, I had a wave budgerigar. Tiki thought it was his mother and followed her everywhere. He ate the same seeds, not the ones for him. When she died Tiki felt lost. He wanted us always with him, made really noisy shrieks when we came home. We had to come and say hello quickly.

He didn't like fresh fruits, could eat some salad, he loved millet. He didn't want us to start our meal without having offered him bread, or pasta, or rice...

Il avait appris à dire un mot : son nom. Il était parcimonieux et ne le disait que de temps en temps, mélangé à des airs pendant un tour de chant. Je lui ai appris à siffler quand il était petit, en reprenant des airs de chansons russes que j'aimais et l'air des trois petits cochons. Quand je siffle, je manque quelques notes hautes et mon sifflement est voilé. Celui de Tiki avait les mêmes défauts. Il mélangeait tous les airs, on en retrouvait de petits bouts au milieu de ses improvisations. Pendant longtemps nous avons habité un rez-de-chaussée, et je soupçonne des voisins facétieux de lui avoir appris d'autres airs en le regardant aller et venir sur le rebord de la fenêtre et les observer avec curiosité. Il y  sifflait parfois des airs nouveaux que nous ne lui avions pas appris.

He knew how to say his own name, but didn't say it often. It always came mixed with whistling. I taught him how to whistle, some Russian songs I liked and the music of the Three little pigs. I don't whistle well, I miss the highest notes and it's muted. Tiki took all this from me, alas. He used to mix all the musics he knows and make his own strange songs. We used to live in a first floor flat, the bird was always on the widow, looking at people. Some neighbors taught him new songs, because he could whistle some parts I didn't teach him.

Il nous suivait en vacances, imitait les bruits. Il savait quand le téléphone allait sonner et imitait le sifflement juste avant que le téléphone ne se déclenche, quand nous nous lavions les dents en sa présence, il faisait un bruit de brossage, quand nous attrapions un verre il faisait le bruit d'une personne avalant une gorgée d'eau. Il imitait le bruit des bisous et des gens qui toussent. Quand nous parlions, il s'en mêlait en essayant d'imiter le bruit d'une conversation et ne s'arrêtait que quand nous nous taisions.

Pour lui faire plaisir nous lui chantions des chansons en chœur.

He came with us for holidays, he liked to mimic the house noises. He knew when the phone was going to ring and did the sound just one second before the phone. When we washed our teeth in front of him he used to make the same noise, when we took a glass, he sort of made a gulp noise. He mimicked kisses and coughs. When we talked he wanted to be part of the conversation and talked with us, finishing when we stopped.

To please him we used to sing along.

Quand nous entrons dans la maison, elle semble étrangement silencieuse maintenant.

Je n'ai jamais vécu sans oiseau à la maison. Ou très peu. J'ai toujours répondu aux oiseaux qui m'interpellaient dans la rue ou dans la nature. Une fois, j'ai eu un long échange avec un petit oiseau effronté posé sur un buisson près de mon visage. Je suppose que je vais continuer à parler aux oiseaux que je croise pour oublier ce sentiment de vide.

When we come home now, it seems strangely silent now.

I always lived with birds. Almost always. I am used to answer to wild birds when they call from a tree in the city or in the country. Once I had a very long conversation with a cheeky bird who sat on a bush very close to my face.

I suppose I'll go on talking to the wild birds to forget about that empty feeling.

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L'accès au langage

J'ai toujours pensé que le langage était ce qui nous liait. Qu'en conséquence, il se devait d'être aussi clair que possible. Apprendre des langues nouvelles et m'apercevoir tout à coup qu'un paragraphe entraperçu ou qu'une phrase entendue à la radio faisait sens pour moi alors que jusque là ils étaient indéchiffrables est un grand bonheur.  Dans mon métier d'enseignante, je me suis toujours efforcée de rendre clairs des concepts, des mots. Il m'est arrivé  fréquemment d'échouer et de lire dans les yeux de mes élèves l'incompréhension. Les enfants sont intransigeants, la flamme n'éclaire leur regard que quand on a trouvé la formule la plus directe, la plus simple, la plus épurée. Mais quelle gratification quand on la tient ! "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément," écrit Boileau. Aisément, pas tant ! C'est une gymnastique exigeante que de s'exprimer simplement. Nous ne sommes pas coutumiers du fait, nous enjolivons, alourdissons, colorons notre langage en permanence. Parfois pour mieux éclairer notre interlocuteur, parfois pour le séduire, et assez fréquemment pour mieux le perdre ou le tromper.

Quand j'étudiais la littérature j'enrageais déjà. Venue des matières scientifiques, je n'avais pas trempé dans le même bain de langage que mes camarades et il me semblait pédant voire stupide de systématiquement renoncer aux mots usuels pour opter pour des termes synonymes mais inconnus de la majorité des gens. Qu'est-ce qui importait ? Écrire pour être compris de tous ou seulement des initiés ? Pourquoi inventer des termes techniques quand notre langue possède déjà les outils dont nous avons besoin ? Finalement, étudier un texte devient une exercice d'exclusion, une virtuosité inutile, un plaisir de l'entre-soi alors même que le but est d'en éclairer le sens. Quel paradoxe.