· 

Egon Schiele

Exposition Egon Schiele à la fondation Louis Vuitton.

 Exhibition Egon Schiele at the Fondation Louis Vuitton

 

Je n'avais jamais vu autant de ses dessins (et quelques peintures) rassemblés.  C'est envoûtant, dérangeant, à la fois attirant et repoussant. J'ai été frappée et touchée par la beauté du trait, la délicatesse des couleurs, la franchise crue.

I had never seen as many of his drawings and paintings at a time. It is mesmerizing, disturbing, it's both attracting and reppelling. I was struck and touched by the beauty of the lines, the delicacy of the colors, the raw honesty.

 

Le dessin est d'une élégance folle, d'une grande virtuosité. ll est fait d'un mélange étrange de courbes et d'angles acérés, les vêtements sont empesés, étriqués, alors que la lingerie est vaporeuse, généreuse et mouvante. Les personnages sont figés dans des positions outrancièrement rigides ou au contraire moelleusement sensuelles. Il met tour à tour en lumière l'arrondi d'une chute de reins et le trait incisif d'une pommette saillante. Le regard est parfois inquiétant, dans les autoportraits il est franchement antagoniste, comme si l'artiste se jaugeait, se jugeait sans bienveillance.

The drawing is highly elegant. It is a blend of curves and straight lines, the clothes are stiff and skimpy, the underwear are light, generous and lively. The figures are frozen in a overly rigid pose or on the contrary, a soft and sensual one. He draws successively the roundness of a lower back and the sharp line of a cheekbones. The models look at us sometimes in an unsettling way. The look in the selfportraits is antagonistic, as if the painter as if he was evaluating himself without much sympathy.

Il ajoute peu à peu des couleurs sur le papier teinté. Du blanc, du rouge, du vert. Le dessin prend alors vie, les tissus s'animent, le passage de la vie s'imprime sur les visages, le vert creuse des reliefs parfois un peu macabres, le rouge anime le dessin des lèvres mais souligne la fièvre d'une joue et pâlit la peau.

He adds little touches of colors on the light-brown paper. Some white, red and green bring life to the figures and faces, frees the fabric. Green touches bring depth, sometimes a cruel one, the red touches makes the lips look real but it makes the cheeks feverish too, and the skin paler.

Les femmes sont souvent déshabillées, les poses peuvent être suggestives ou crues. Mais le regard posé sur elles est doux.

Les hommes sont souvent représentés avec une plus grande dureté, les expressions, les couleurs, les positions sont exagérées.

Certains dessins sont très inspirées par l'esthétique viennoise, en particulier par Klimt.

D'autres sont très modernes, avec des compositions qui semblent préfigurer les affiches du XXème siècle, en particulier celles de Gruau.

Cet autoportrait est frappant de modernité, avec un fond clair et décoratif, le cadrage serré, qui coupe le haut du crane, le vêtement réduit à sa plus simple représentation et la position peu conventionnelle de l'artiste. Son regard et sa moue nous interpellent, nous provoque-t-il avec ce regard hautain qui nous fixe sans sourire ? Le corps est de biais, ce qui atténue l'inquisition ou le défi des yeux. Peut-être est-il seulement pensif, fatigué et préoccupé. Ce tableau ne se livre pas, tristesse, agressivité, défiance ? Au visiteur de se faire son idée.

Écrire commentaire

Commentaires: 0

L'accès au langage

J'ai toujours pensé que le langage était ce qui nous liait. Qu'en conséquence, il se devait d'être aussi clair que possible. Apprendre des langues nouvelles et m'apercevoir tout à coup qu'un paragraphe entraperçu ou qu'une phrase entendue à la radio faisait sens pour moi alors que jusque là ils étaient indéchiffrables est un grand bonheur.  Dans mon métier d'enseignante, je me suis toujours efforcée de rendre clairs des concepts, des mots. Il m'est arrivé  fréquemment d'échouer et de lire dans les yeux de mes élèves l'incompréhension. Les enfants sont intransigeants, la flamme n'éclaire leur regard que quand on a trouvé la formule la plus directe, la plus simple, la plus épurée. Mais quelle gratification quand on la tient ! "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément," écrit Boileau. Aisément, pas tant ! C'est une gymnastique exigeante que de s'exprimer simplement. Nous ne sommes pas coutumiers du fait, nous enjolivons, alourdissons, colorons notre langage en permanence. Parfois pour mieux éclairer notre interlocuteur, parfois pour le séduire, et assez fréquemment pour mieux le perdre ou le tromper.

Quand j'étudiais la littérature j'enrageais déjà. Venue des matières scientifiques, je n'avais pas trempé dans le même bain de langage que mes camarades et il me semblait pédant voire stupide de systématiquement renoncer aux mots usuels pour opter pour des termes synonymes mais inconnus de la majorité des gens. Qu'est-ce qui importait ? Écrire pour être compris de tous ou seulement des initiés ? Pourquoi inventer des termes techniques quand notre langue possède déjà les outils dont nous avons besoin ? Finalement, étudier un texte devient une exercice d'exclusion, une virtuosité inutile, un plaisir de l'entre-soi alors même que le but est d'en éclairer le sens. Quel paradoxe.